Exposition LE ROCHER DE SISYPHE

Du 10 au 26 mars 2023

▶︎ Vernissage le vendredi 10 mars 2023, de 18h à 22h

Le_rocher_de_sisyphe_visuel_expo

Landscape Section #2 - Image Générative

Nelson Aires / Samuel Aligand / Estèla Alliaud /  John Cornu / Hélène Néraud / Delphine Pouillé

Les sociétés actuelles ont transformé l’épuisement en mode de vie. D’un côté, l’importante consommation de produits manufacturés entraîne un règne de l’éphémère, imposant alors des durées d’existence éclaires, puisque les choses ne sont plus faites pour perdurer. De l’autre, les sociétés sont elles-mêmes fatiguées, épuisées, banalisant ainsi des notions individuelles ou collectives telles que le burn-out ou l’épuisement des ressources naturelles, qui sont désormais devenues de nouvelles formes de normalité.

L’épuisement est donc majoritairement perçu de manière négative, comme une perte, un tarissement, un assèchement, une fin. Cependant, cette notion incarne également une posture ou une attitude positive chez des artistes qui focalisent leur pratique autour d’une technique, d’un geste, d’une forme, ou plus particulièrement, d’un matériau.
Épuiser l’esprit, épuiser le corps, épuiser le geste, épuiser la matière… Approcher l’invisible. Faisant écho au geste de Sisyphe, ces artistes tentent, chacun à leur manière, d’épuiser un motif sans jamais pourtant pouvoir atteindre une fin, puisque celle-ci ne cesse de se transformer et de muter, chaque action créatrice venant déplacer la finalité préalablement entrevue. S’impose alors la recherche d’une forme d’aboutissement qui est – consciemment ou inconsciemment – inatteignable, une limite intangible qui devient à la fois moteur de la création et forme d’accomplissement artistique.

Le point commun de ces différentes pratiques est le choix d’un matériau spécifique et emblématique comme point de départ d’une démarche, comme origine du geste créateur. La matière donne l’impulsion et génère l’élan créatif, tout en imposant son épuisement de manière intrinsèque.
Ce mode de travail, qui témoigne d’un réel engagement vis-à-vis du matériau choisi, implique une sorte de retour aux sources, comme des retrouvailles avec une certaine primitivité. Liant le contrôle au lâcher-prise, ces pratiques imposent une relation instinctive avec la matière, aussi bien de l’ordre de la rencontre, du dialogue, de l’échange, de l’accompagnement, du renversement, que du combat, de la lutte ou du corps à corps.
Ces artistes s’engagent donc dans une exploration répétitive d’un geste, d’une forme, d’une matière, dépassant la possible absurdité inhérente à une répétition. Ces pratiques cherchent à révéler une certaine exhaustivité non pas au sens baroque, mais plutôt au sens d’une abondance non stérile visant à montrer la variété des existences que peuvent prendre, une forme, un geste, un matériau. Une possible résilience en somme, qui questionne la matière, ses limites, ses possibles, à travers des séries infinies, n’ayant ni début ni fin.
Au-delà des niveaux technique et matériel, l’épuisement peut également être visible sur le plan formel puisqu’une partie des œuvres de l’exposition exploite des formes molles, fragiles, étirées, usées ou accidentées, défiant parfois les lois de la gravité. Elles évoquent ainsi la ruine romantique, le fragment, le vestige ou la blessure, et certaines exploitent même des procédés ou techniques issus du monde du soin ou de la réparation, proposant dès lors une possible issue positive à l’épuisement.

L’exposition Le rocher de Sisyphe fait dialoguer ces pratiques entre elles, qui vont de la pièce unique à la production en série, de la création in situ à l’œuvre protocolaire, afin de prendre en contrepoint le monde dans lequel nous évoluons actuellement, en montrant l’épuisement sous un angle productif, synonyme alors d’abondance, d’accomplissement et d’épanouissement.

Évènements:

Vendredi 17 mars 2023, 18h30
La force de l’épuisement
Table ronde avec Nelson Aires, Samuel Aligand, Estèla Alliaud, Hélène Néraud.

Samedi 25 mars 2023, 19h30
Le Rocher
Performance sonore du duo Givre composé de Samuel Aligand & Nicolas Rosée.

https://soundcloud.com/givre-music

Nelson Aires

Mappam, 2019

Encre de Chine et sang sur popeline de coton, tréteaux métalliques Dimensions variables Crédit photo : Nelson Aires

Né en 1981, vit et travaille à Paris.

À travers des installations picturales et sculpturales, Nelson Aires interroge les liens unissant l’art et le vivant et les relations existantes entre l’espace du quotidien et l’espace artistique. Ce questionnement est visible tant sur un plan esthétique, qu’au niveau des techniques employées, mais aussi des matériaux exploités. L’utilisation du sang comme matériau récurrent renforce de plus cette imbrication art-vivant, et confère aux productions de l’artiste une certaine dimension évolutive.
Ses productions sont plus symboliques que figuratives, même si elles développent toutes un certain rapport à l’identité, la filiation, au territoire et au réseau. Se pose alors la question de la lecture et de la compréhension de ses œuvres, ainsi que des formes et/ou des motifs qui les constituent : microcosme ou macrocosme ? Monde minéral, végétal ou charnel ? Terre, roche, peau, chair, veine ou racine ? Cartographie, radiographie, échographie, hémogramme ou relevé topographique ?

Mappam, 2019

Encre de Chine et sang sur popeline de coton, tréteaux métalliques Dimensions variables Crédit photo : Nelson Aires

Samuel Aligand

Audiosphère#01 - Sisyphe : après la chute du rocher, 2023

2023 Vinyle sur pochette de disque, casque et son 40 x 40 cm chq. Crédit photo : Samuel Aligand

Né en 1979, vit à Aubervilliers et travaille à Gennevilliers.

Le travail de Samuel Aligand, nourri par un goût pour les procédés techniques, s’inscrit dans cette tradition qui, depuis les avant-gardes historiques, tend à relier art et science. Chacune de ses productions est l’occasion d’expériences visant à pousser la matière dans ses retranchements, jusqu’à en obtenir certaines propriétés extrêmes : il modèle les panneaux de PVC par thermoformage, amène les colles additionnées de pigment à fusion afin de les mouler, fige les polymères par choc thermique. Ce processus expérimental dénote également d’un souci de déconstruction très proche de celui qui guide la notion d’anti-forme.

Audiosphère#01 - Sisyphe : après la chute du rocher, 2023

2023 Vinyle sur pochette de disque, casque et son 40 x 40 cm chq. Crédit photo : Samuel Aligand

Estèla Alliaud

Sans titre, 2023

Crédit photo : Estèla Alliaud

Née en 1986, vit et travaille à Paris,
Actuellement en résidence à Poush, Aubervilliers.

Le processus qu’opère Estèla Alliaud s’articule autour de l’observation intuitive d’un espace ou d’un contexte ; dans lequel la matérialité et le mouvement sont prépondérants. Pensé par soustraction, son travail relève d’une dimension sculpturale et architecturale qui a trait à la valeur intrinsèque des matériaux. Discrètes et parfois issues de l’imprévu, ses œuvres structurent une architecture de la pensée qui place l’individu au centre d’un espace mental. L’artiste convoque le potentiel de gestes premiers et d’une esthétique de l’essentiel à l’intérieur d’un espace presque vide, et modifie ainsi la connaissance primaire du lieu.

Sans titre, 2023

Crédit photo : Estèla Alliaud

John Cornu

Gueule de bois, 2023

Coins d'acier et bois 25 x 180 x 40 cm © John Cornu Courtesy the artist

Né en 1976, vit et travaille à Rennes.

John Cornu propose une attitude héritée du minimalisme et du modernisme (sérialité, modularité, primauté des matériaux) tout en convoquant souvent un rapport fort au contexte (historique, architectural, sociétal) et une forme de romantisme contemporain assumé (attitude dionysiaque, usure, cécité, références à différentes productions sonores, entropie…).
S’intéressant à des thèmes comme les ruines modernes, les logiques de pouvoir ou encore certains écarts anthropologiques, l’artiste instaure dans ses productions une atmosphère à la fois poétique, cathartique et sans concession. Qu’elles soient sculpturales, performatives ou encore installatives, ces dernières confrontent un ensemble de forces paradoxales, et induisent une multiplicité de sens, l’idée d’une plurivocité.

Gueule de bois, 2023

Coins d'acier et bois 25 x 180 x 40 cm © John Cornu Courtesy the artist

Hélène Néraud

Private Joke, 2018

Terre cuite émaillée, verre Dimensions variables Crédit photo : Hélène Néraud

Née en 1986, vit et travaille à Rouen.

Dans la pratique d’Hélène Néraud, la peinture, la céramique et la photographie sont intimement liées. La peinture est essentiellement présente dans un rapport à la volumétrie et se transpose dans la céramique. Les photographies de paysages, en particulier ceux de haute montagne en noir et blanc cristallisent la naissance des œuvres.
Il y a une pensée du paysage. Une recherche de reconnaissance, une tentative de mise au point et d’éclairage, sur une exploration presque mystique des territoires de grande solitude. La série des grands volumes de terre froissée, réponses plastiques intuitives à ces expériences sensorielles et physiques, trouve son existence et son équilibre dans une recherche infinie de l’épuisement du motif du pli. Solidifiées par la cuisson, ces sculptures deviennent des figures observantes et observées, habitant pour quelque temps une atmosphère où s’entrelacent tension et contemplation. La terre devient le matériau qui permet de mettre en volume le rapport à la couleur. Elle devient le support qui  révèle la couleur par le feu. Tous les échanges et toutes les collaborations esthétiques dans le travail de la surface sont permises. Les installations laissent alors apparaître un espace volumétrique où cohabitent  affrontement du corps et de  l’esprit en écho à l’affrontement à la matière.

Private Joke, 2018

Terre cuite émaillée, verre Dimensions variables Crédit photo : Hélène Néraud

Delphine Pouillé

Vue d’atelier, Pantin, 2016

Crédit photo : Delphine Pouillé

Née en 1979, vit et travaille à Paris.

Suite à des études menées parallèlement à l’École des Beaux-Arts et à l’Université – à Saint-Étienne, Rennes et Paris -, elle développe son travail autour du corps et du vivant, croisant les pratiques de la sculpture et du dessin. Elle crée des corps artificiels gonflés de mousse expansive dont la fragilité l’a progressivement mené à des procédés d’entretien et de réparation empruntés aussi bien à la chirurgie qu’à la restauration de bâtiments, générant une mutation permanente de ses pièces.
Depuis quelques années, elle introduit de nouveaux matériaux comme le béton, le métal ou le bois dans son travail, ainsi que l’architecture et les structures urbaines provenant notamment d’équipements de gymnastique publiques dont elle réinvente et détourne les fonctions.

Vue d’atelier, Pantin, 2016

Crédit photo : Delphine Pouillé