Exposition LOCUS AMOENUS
Du 17 janvier au 02 février 2020
▶︎ Vernissage vendredi 17 janvier de 18h à 22h
Commissariat Stéphani Hab
Marcel Dinahet / Guillaume Gouerou / Dimitri Mallet / Aurélien Mauplot / Flora Moscovici
Le locus amoenus est une expression désignant un lieu idyllique, agréable et charmant, d’une grande beauté. Elle est particulièrement utilisée dans la littérature latine classique au Moyen Âge, à la Renaissance, mais déborde et glisse aussi à travers l’époque moderne et contemporaine, notamment chez Baudelaire.
L’exposition rassemble les œuvres de cinq artistes, disparates et similaires, féminins et masculins, se rejoignant ou s’étirant formellement, jouant de la lumière, de contradictions et de déformations.
Ainsi, les « Sensitive paintings » de Dimitri Mallet remettent en question notre mode d’observation du monde. En laissant la chaleur modifier sa couleur, l’artiste offre au spectateur la possibilité d’une vision furtive de l’œuvre, authentique et unique, fixée à un temps donné, à une température donnée. Ses « paysages » – abstractions tangibles retranscrivant les tâches lumineuses que nous voyons lorsque nous avons les yeux fermés – absorbent notre regard et plonge notre imaginaire dans l’invisibilité d’un monde que l’artiste tend à mesurer.
Cette conscience de l’infini résonne dans l’œuvre de Guillaume Gouerou. Fasciné par la matière et ce qui s’y passe, l’artiste questionne notre rapport à la physicalité du monde. Un monde d’atomes et de molécules, de fusion et de mélange, mais aussi de plis et de reflets. Ses deux icositétraèdres sont des sculptures jumelles – en cuivre -aux formes similaires, images de l’une et de l’autre dans un miroir. Pourtant, elles diffèrent : l’une reflète au mur les prismes lumineux de sa propre surface alors que la seconde reste brute. Ici, Guillaume Gouerou nous emporte au-delà du visible, nous laissant entrevoir la cosmogonie d’un paysage rêvé dont les formes célestes abritent un champ des possibles fantasmé.
Cette fantasmagorie est aussi présente dans les oeuvres d’Aurélien Mauplot où l’artiste intervient au crayon sur des images issues de livres. L’artiste invente des métamondes, des reconfigurations narratives où des personnages fictifs enrichissent le récit. Ce sont Les impatiences (série des vents), des œuvres retraçant des cartographies proches d’une mise en scène mystique entremêlant fiction et réalité comme magnificence d’un voyage lointain et construction imaginaire d’un monde singulier.
Marcel Dinahet retranscrit ces soubresauts du monde, tissant un fil presque imperceptible entre le visible et l’invisible, incitant le regard du visiteur à saisir la beauté impalpable de notre monde. Passionné de géographie marine, l’artiste nous plonge dans une nature brute. Le Minihic-3 saisit la fugacité d’un insaisissable mouvement de lumière comme autant d’interrogation de zones intermédiaires, d’imaginaire chimérique et de point de jonction entre l’homme et l’immensité.
Le geste de restitution de cette réalité singulière s’entend aussi dans les œuvres de Flora Moscovici. Flora Moscovici travaille la peinture hors cadre, hors champ, à même le support. Libérée du châssis, l’artiste puise dans le lieu qui l’invite et le révèle en utilisant les possibilités extrêmement larges du médium pictural. La réalisation de ses peintures in situ est précédée d’un temps d’observation où l’attention de l’artiste est portée sur l’environnement, les sensations, l’architecture, la lumière et la couleur. La peinture résonne ainsi avec le lieu qui l’abrite, révélant le support dont la spatialité et la temporalité sont troublées.
Pour Nelson Goodman, la fiction et la non-fiction agissent de manière similaire sur les mondes réels. Les mondes de fiction sont donc des mondes possibles, mais inclus dans le monde réel*.
Les artistes de l’exposition tendent à rendre ce lien inextricable entre le paysage fantasmé et le réel conté, entre le fugace et le démesuré. Le locus amoenus est une variation de ce paysage idéal, une réplique surnaturelle qui se repend au-delà et en deçà des ses propres formes.
* Nelson Goodman « Manière de faire des mondes » Collection Folio essais Gallimard, 2006
MARCEL DINAHET
Né en 1943 à Plouigneau (France).
Vit et travaille à Rennes.
Représenté par la Domobaal (Londres, UK)
Marcel Dinahet, à l’origine, est un sculpteur et, à bien des égards, il l’est resté. Dès 1986, il immerge des objets confectionnés ou de simples galets, puis les filme et les photographie en plongée. Le geste du sculpteur, qui s’applique aux contours, c’est-à-dire aux limites des matériaux, il le convertit à présent en un mouvement du corps tournant autour d’un axe central et dote ainsi l’espace d’une dimension temporelle, celle de la durée du film. C’est désormais la caméra qui saisit et qui enregistre ce point de jonction entre l’eau et l’air, entre la terre et l’eau, entre la terre et l’air. Moins que le paysage, c’est la nature même de son geste que Marcel Dinahet interroge. Que cela rencontre le réel et les soubresauts du monde ne fait qu’ajouter à l’ambition de cette œuvre si immédiate et si simple en apparence ; mais l’univers portuaire, dans Les Flottaisons par exemple, échappe constamment à la seule dénotation documentaire pour basculer dans la désignation de ce dont l’image est faite : la matière saisie dans le temps même de son inscription.
L’idée de la frontière et de l’interface, qui est au cœur de la sculpture, s’élargissant à présent à la dimension géographique et politique, constitue à la fois le pivot, le sujet, le site et la matière de la plupart des vidéos récentes de l’artiste, qu’elles soient tournées au Pays Basque, en Russie, à Taiwan ou sur la côte atlantique.
Jean-Marc Huitorel
Ces lignes sont extraites d’un texte présentant les œuvres de Marcel Dinahet acquises par le Frac Bourgogne en 2003 et publié sur son site Internet à la rubrique « Collection » « L’album ».
GUILLAUME GOUEROU
Né le 25 mai 1987.
Vit et travaille entre Paris, Nantes, Rennes et Tbilissi.
DNSEP, Villa Arson, Nice (2013)
DNAP, EESAB site de Brest (2011)
DIMITRI MALLET
Né en 1983.
Vit et travaille à Paris.
Représenté par Snap Projects.
DNSEP (option design), Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts, Lyon (2011)
Licence, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture, Montpellier (2005)
AURELIEN MAUPLOT
Né en 1983.
Vit et travaille à Saint-Frion.
Mes premières recherches (2008/2009) se concentrent sur le livre 7 de La République de Platon, dans lequel il présente l’allégorie de la caverne.
Le bloc de texte est recouvert en noir et ne laisse apparaître que le mot caverne en vue de désacraliser l’idée au profit de l’expérience.
J’entame ensuite une recherche sur la forme des objets du quotidien (cuisine, salle de bain…) et d’éléments naturels (cailloux, branches…) jusqu’à ne conserver que leur contour et les imprimer en noir gardant l’essence même : l’ombre de son image qui perd son sens.
Entre 2011 et 2014, je réalise Les Possessions : impression noire de cartes de pays, d’îles et d’archipels sur les pages du Tour du Monde en 80 jours de Jules Verne. Cette oeuvre est présentée au 59ème Salon de Montrouge, à la Galerie Eponyme (Bordeaux, décembre 2017) et conclue l’exposition Le temps de l’île au Mucem à Marseille (été 2019).
En 2014, je définis le Cycle d’explorations du Monde à distances qui cadre ma pratique.
La même année, j’initie des recherches axées sur la ligne de Karman et La grande crevasse de Roger Frison-Roche.
Impression des 330 plus hauts sommets de la planète orientés vers le bas sur les pages du livre. En note de bas-de page sont indiqués le nom, le lieu et l’altitude calculée à partir de la limite entre la Terre et l’espace, soit 100.000 mètres au-dessus du point zéro situé à la surface de la mer (Les Horizons, 2014).
Les Horizons sont exposées à la galerie de la Marine de Toulon (2014) et à la galerie d’art contemporain du théâtre de Privas (2016).
En 2015, Hélène Fincker directrice de la Maison Abandonnée {Villa Caméline}, à Nice m’offre une exposition personnelle. J’y présente des recherches autour d’une île, prénommée Subisland, dont personne n’a jamais entendu parler. Jélabore mon projet avec l’IGN, l’IFREMER et le Muséum d’histoire naturelle de Nice. Cette exposition est charnière et marque un tournant décisif dans mes recherches : je cesse de créer à partir d’oeuvres littéraires existantes au bénéfice d’un récit qui m’est propre.
Ainsi née Moana Fa’a’aro, présentée, accueillie et accompagnée depuis par de nombreux partenaires (Palazzo Lucarini, Ramdam un centre d’art, Documents d’artistes Nouvelle Aquitaine, Galerie Eponyme, Dos Mares, la DRAC, la Région Nouvelle Aquitaine et l’Institut Français…).
En janvier 2016, Rebecca François, conservatrice, m’invite à présenter les premières oeuvres de ce nouveau projet au MAMAC de Nice.
A partir de cette année, je collabore régulièrement avec l’Italie et le Chili, où je réalise plusieurs résidences et expositions personnelles.
J’intègre en 2017 le fond Documents d’artistes Nouvelle Aquitaine (ddana).
A l’été 2018, dans le cadre d’une résidence au Chili, je me rends sur l’île Navarino en face du Cap Horn.
Enfin, en 2019, Léo Marin, commissaire et directeur de la Galerie Eric Mouchet, m’invite à produire une Composition naturaliste monumentale pour son exposition Mapping at last – the plausible island, à Topographie de l’art à Paris. Cette même année, je réalise ma seconde exposition personnelle italienne (Museo Laboratorio, Citta Sant’Angelo, Abruzzes), un autre solo en Dordogne et une exposition en duo à l’artothèque de Pessac.
FLORA MOSCOVICI
Née en 1985.
Vit et travaille à Paris.
DNSEP avec les félicitations du jury, École Nationale Supérieure d’Arts Paris-Cergy (2011)
DNAP avec les félicitations du jury, ENSAPC (2009)
Academy of Arts, Architecture and Design, Prague (2007)
Flora Moscovici est née en 1985. Elle vit et travaille entre Paris et Brest.
Diplômée de l’Ecole nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy, ses œuvres ont été exposées dans plusieurs centres d’art, galeries et événements en France, en Europe et au Canada.
En 2018, elle a réalisé une commande pour le Cnap à Pantin. Son travail a été exposé récemment à Dundee Contemporary Arts, au Voyage à Nantes, à la Friche Belle de Mai, la Villa Arson, 40mcube, au Creux de l’enfer, à la Vitrine du Frac Île de France, la Galerie de Multiples, 22,48m2, etc.
Elle aborde la peinture en utilisant les possibilités extrêmement variées de ce médium, y compris dans ses marges. Ses interventions modifient la perception de l’espace et convoquent différentes temporalités, celle du geste pictural, la mémoire du lieu, et l’histoire de la peinture entre sacré et vernaculaire.