Exposition LES TEMPS DES CHOSES
Du 10 novembre au 01 décembre 2024
▶︎ Vernissage le samedi 09 novembre 2024, de 18h à 22h

Margherita Muriti / Michael Wesely / Olivier Muller
Commissariat Marta Russoli
« Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus. » [1]
Saint Augustin
L’abstraction du temps découle du fait qu’il s’agit d’un concept intrinsèquement lié à tout ce qui encadre la perception humaine du monde, tout en restant impossible à concevoir en tant qu’entité en soi, comme l’a souligné Saint Augustin. L’image du temps pourrait être représentée comme un voile recouvrant toutes choses, nous permettant de nous repérer à travers son tissage. L’exposition Les Temps des Choses, à travers le médium photographique, cherche à cristalliser ce concept en le rendant visible par sa représentation des « choses ».
La connaissance humaine se construit à partir de l’expérience et de la mémoire. Qu’elles soient individuelles ou collectives, l’humanité n’a eu de cesse de tenter de structurer les événements qui rythment notre existence. Pour ce faire, elle a élaboré des règles, des cadres mentaux et des systèmes de représentation qui nous aident à ordonner le monde autour de nous. Parmi ces systèmes, le temps occupe une place centrale. Il est l’épine dorsale de notre perception de l’avant et de l’après, de la métamorphose, du commencement et de la fin mais il échappe à toute définition universelle, en restant inextricablement tissé dans notre quotidien.
Attente, mouvement, anticipation, mais aussi déclin, tout s’articule autour du temps. Mais qu’est-ce que le temps, au juste ? Est-il une continuité infinie, une ligne irrévocable, ou une boucle cyclique revenant sans cesse ? Peut-être n’est-il qu’une abstraction mathématique régie par les cycles solaires et terrestres, obéissant à des équilibres cosmiques. Le parcours photographique présenté ici tente d’explorer ces questions en vivant l’expérience des œuvres. En gardant à l’esprit la définition de Saint Augustin, il est distentio animi : la tension de l’âme qui permet de saisir le temps en reliant passé, présent et futur dans une expérience intérieure subjective.
Les Temps des Choses nous invite à explorer cette complexité à travers le regard de trois artistes qui saisissent des instants pour figer le passage du temps dans des images. Ces œuvres ne saisissent pas seulement un moment, elles cristallisent le temps dans sa dimension intangible. À travers les objets, elles offrent une réflexion sur la nature éphémère du temps et sur ce que signifie véritablement le suspendre, ne serait-ce qu’un instant.
Le dialogue entre ces œuvres nous permet de penser le temps autrement. Ce concept abstrait devient tangible à travers ces images figées, révélant la profondeur de ce que nous percevons comme ordinaire. Le temps cesse d’être une simple succession de secondes ou de jours ; il devient un espace où le présent rencontre à la fois le passé et l’avenir, où l’instant s’étend et nous invite à la contemplation.
L’exposition propose ainsi une réflexion sur la manière dont nous percevons, vivons et ressentons le passage du temps. Les œuvres de Michael Wesely, Margherita Muriti et Olivier Muller transforment le temps en une matière brute à manipuler, à figer et à questionner.
Michael Wesely capte le temps par des expositions prolongées qui révèlent ce qui échappe à notre perception : les traces de lumière qui témoignent de ce qui a eu lieu. L’œuvre matérialise la tension entre l’éphémère et le permanent, créant des images où le temps devient visible, presque palpable.
Margherita Muriti engage un dialogue intime avec le temps. Dans Cook It Until It Softens, elle assemble des fragments d’images issues de son journal vidéo pour créer une robe-témoin de ses souvenirs et de ses émotions, une seconde peau tissée d’instants révolus. Dans Le Blanc Nuit, elle filme Venise en train de s’effacer, utilisant la pellicule 16 mm, évoquant la fragilité et la lente disparition de la ville.
Olivier Muller interroge la perception et l’ambiguïté temporelle avec sa série Sunset Vanitas, qui réinterprète le thème des « vanités ». Dans sa vidéo Gorgeous, un danseur masqué filmé de dos brouille les repères visuels engageant une réflexion sur l’identité, le masque et l’impermanence de l’être. Le spectateur est plongé dans une temporalité suspendue, entre présence et absence, face à une figure à la fois fascinante et dérangeante.
Ainsi, Le Temps des Choses explore les multiples façons dont le temps se manifeste dans nos vies, dans les objets, les corps et les lieux, nous invitant à repenser notre rapport à l’éphémère et à ce qui en demeure.
[1] Saint Augustin, Confessions, Livre XI chapitre 14.

MARGHERITA MURITI

Née à Venise, en Italie, elle vit et travaille à Paris.
Margherita Muriti est une artiste multidisciplinaire, sa recherche fusionne des pratiques visuelles, textiles et performatives. Sa démarche est axée sur une exploration écologique du geste artistique comme nouveau langage, visant à développer de nouvelles relations entre les êtres humains et les entités autre qu’humaines, et à proposer de nouvelles manières d’être avec le monde.
Elle est diplômée de l’École de Gobelins (2017) et du MA en Arts et Écologie au Dartington College of Arts en 2023 (UK).
Son travail a fait partie d’expositions collectives comme La Biennale de L’Image Tangible (Paris, 2023), Envisioning Alternative Cartographies (Capa Center, Budapest, 2021), Fotofestiwal (Lodz, 2021), Landskrona Fotofestiwal (2020), Futuruins au Palais Fortuny (Venise, 2019); une exposition personnelle à la galerie VAP à Venise, Le Blanc Nuit (2019) et God how shall I pray? au Festival de la Photo (Niort, 2018). En parallèle de sa pratique, elle enseigne régulièrement la photographie.
Titre : Cook It Until It Softens, 2023. Détails de la robe. Tirages photographiques sur chutes de coton cousues ensemble.

MICHAEL WESELY

Michael Wesely (né en 1963 à Munich) est un photographe contemporain allemand reconnu pour ses œuvres utilisant une technique d’exposition ultra-longue. Après des études à la Bayerische Staatslehranstalt für Photographie et à l’Académie des beaux-arts de Munich, Wesely développe une approche unique, capturant le passage du temps sur une seule image. Utilisant un appareil à sténopé avec une combinaison de filtres, il immortalise des scènes sur des périodes allant de semaines à plusieurs années, rendant visibles des processus de changement habituellement imperceptibles.
Ses photographies emblématiques incluent des projets tels que la reconstruction de la Potsdamer Platz à Berlin, la transformation du Musée d’art moderne de New York (MoMA) lors de sa rénovation, et une vaste documentation de Brasília, réalisée avec son épouse Lina Kim. Ces œuvres révèlent à la fois la permanence et l’éphémère, où les éléments immobiles dominent tandis que ceux en mouvement deviennent des traces fugaces.
Wesely propose ainsi une inversion du « moment décisif » traditionnel en photographie, capturant non pas un instant, mais une longue durée synthétisée en une seule image. Ses œuvres incarnent un paradoxe visuel : elles présentent des récits étendus sous une forme unifiée, évoquant le passage du temps d’une manière nouvelle et profondément poétique.
Titre : The Museum of Modern Art‚ New York (7.8.2001 – 7.6.2004)

OLIVIER MULLER

Olivier Muller est un artiste multidisciplinaire français, danseur-chorégraphe et plasticien. Diplômé des Beaux-Arts de Marseille et du Master EXERCE à l’ICI-CCN de Montpellier sous la direction de Christian Rizzo, il explore des thématiques liées aux métamorphoses du corps, qu’il perçoit comme une matière en constante évolution. Ses œuvres interrogent les espaces intermédiaires entre image, perception et affects, peuplées de figures fantomatiques et grotesques.
Son premier solo HooDie, présenté en 2018 au festival Parallèle à Marseille, a été soutenu par une bourse de création du Pôle Art de la Scène de la Friche Belle de Mai. Il a également participé au Summer Program du Watermill Center dirigé par Robert Wilson. En 2020, il présente Horrible Pugilist Brother au festival Uzès Danse.
Lauréat du grand prix de photographie du festival international de la Villa Noailles en 2021, son travail photographique fait partie des collections de la Villa Noailles et du fonds Agnès b. Olivier Muller a exposé dans plusieurs institutions en France et à l’étranger et a collaboré avec des artistes tels que Christophe Honoré, Yves-Noël Genod et Volmir Cordeiro.
En 2023, il a été lauréat du programme 2-12 à la Cité Internationale des Arts à Paris et continue de travailler comme danseur avec divers chorégraphes en France et en Europe.
Instagram : olivier_muller_zetouna_
Titre : screen shoot de la vidéo Gorgeous de la série Sunset Vanitas, Installation vidéo, 10’51, Rideaux 900 x 350 cm, Percale de coton acrylique, 2024
